JUIN 2013 - N°20

Dirigeants d’hyper-croissance, des inconnus porteurs d’espoir !

par François Lainée, co-fondateur du mouvement « Politic Angel »

À la source de notre croissance se trouvent une poignée de sociétés, les PME d’hyper-croissance. Des entreprises capables de croître beaucoup et durablement, parce qu’elles maîtrisent la vraie innovation, savent équilibrer exigences et gratification de leur personnel, et surtout ont à leur tête des dirigeants d’exception, explique François Lainée. Portrait robot des entreprises et des équipes qui donnent à espérer dans la relève du pays.


La croissance ! Mot magique, fluide perdu, carburant sociétal… Elle semble disparue, on la cherche et l’implore. Et pourtant, avant d’être cette abstraite déesse macroéconomique, elle est le résultat de choix de tous les jours, ceux des consommateurs quand ils passent à l’acte, et ceux de dirigeants qui font grossir leur entreprise et, pour ce faire, produisent, vendent, investissent.

Et, au cœur de la croissance, cachés dans le maquis des milliers d’entreprises de notre pays, il y a un petit groupe d’exceptions : les sociétés d’hyper-croissance. Ce sont ces PME, de 50 à 2000 employés qui, malgré leur  taille déjà conséquente, voient leurs effectifs continuer de croître, significativement (plus de 15% annuellement), régulièrement (plus de 3 ans sur les 5 dernières années). On en compte en France moins de 2.000, sur un total de 28.000 sociétés de la taille indiquée, soit moins de 7%.

Ont-elles des points communs ? A première vue très peu. On en trouve en effet dans le commerce autant que dans l’industrie (15% chacun), et surtout dans les services, notamment aux entreprises (55%). Des sociétés de haute technologie, certainement, éditeurs de logiciels (Neolane, TraceOne), ingéniéristes (Nexeya), ou conseils (Niji,Oxand) mais pour une faible part. Et par contre, beaucoup de sociétés à l’activité peu glamour, comme le nettoyage (Austral, Lustral) ou la sécurité (Technigarde, GLN, S2curité), industriels, ou divers commerces. Beaucoup n’exportent pas, et croissent malgré tout, montrant que le lien entre emploi et mondialisation est bien moins simple qu’on ne voudrait souvent le croire.

A-t-on alors affaire à l’archétype de l’entrepreneur fondateur, parti de rien et toujours aux commandes de sa société ?  Eh bien non. Près de la moitié de ces sociétés sont filiales de grands groupes, et conservent pourtant une vitesse de croissance forte dans la durée, et les patrons des sociétés indépendantes, souvent, ne les ont pas fondées.


La clé d’une offre innovante

Pourtant, premier indice, tous les dirigeants d’hyper-croissance que j’ai pu rencontrer sont d’accord sur un point : à la fondation de leur capacité à hyper-croître se trouve… une offre innovante. Mais pas l’innovation dont trop souvent encore on rêve chez nos ministres, avec des brevets et de la science pointue. L’innovation, celle dont le juge de paix est, et n’est que le marché. Ainsi Sogal, un fabricant de placards, sans brevets, a connu une croissance forte et durable en faisant percevoir son offre comme des solutions à agrandir l’espace. Ce concept lui a ouvert toutes grandes les portes de l’Asie, lieu où la place est rare ; ses gammes industrielles ont fait le reste ensuite.

Autre point commun très clair : l’hyper-attention portée aux ressources humaines. Le recrutement, d’abord, exercice difficile car l’hyper-croissance exige des employés une capacité à se remettre en cause en permanence, à savoir décider en univers incertain, à être très autonome tout en jouant en équipe. Un environnement pas fait pour tout le monde. Aussi, en conséquence, ceux qui sont embauchés sont traités avec autant d’attention qu’ils connaissent d’exigence. Dans ces sociétés, l’immense majorité des dirigeants a pour règle la tolérance à l’échec, et le souci de réorienter avec une seconde chance les employés qui n’ont pas trouvé leurs marques dans un premier poste. Ainsi dans une société de voyages personnalisés sur Internet, une hôtesse d’accueil est devenue patronne d’agence locale, et un chef de produit export attaché  de presse, tous deux bien à leur place dans leurs nouvelles fonctions.

Une envie de dépassement

Mais ces deux points communs trouvent leur origine dans un troisième, qui est le faisceau de caractéristiques personnelles hors du commun qui se retrouvent chez les dirigeants de ces entreprises.

Des ressemblances qui ne tiennent pas aux études, aux itinéraires qui les ont amenés là, ni même vraiment à l’âge où ils sont devenus dirigeants d’hyper-croissance, mais plutôt à des qualités touchant au caractère. Tout d’abord ils sont animés d’une envie insatiable de dépassement, certains poursuivant la croissance comme le but en soi, d’autres la subissant comme le résultat du désir forcené de satisfaire parfaitement les clients. Conséquence de cette ambition, l’exigence qu’ils imposent à toute activité dans l’entreprise ; pour eux le bien est l’ennemi du mieux, quel que soit le domaine. Troisième caractéristique, contrepoint nécessaire de la seconde, leur culture de l’erreur ; ils reconnaissent les leurs, ce qui leur donne plus de chances de les corriger, et leur permet aussi d’accepter celles des autres. Ensuite ils sont tous tournés vers l’extérieur de l’entreprise,  dirigeant eux-mêmes la stratégie, et s’impliquant de manière forte dans le développement commercial, et le recrutement, plutôt que la R&D ou la finance. Enfin, une clé de voûte de leur savoir-croître est la capacité réelle à recruter des adjoints meilleurs qu’eux dans chacun des domaines. Régner par la médiocrité n’est pas à leur menu et ils ne craignent pas qu’un jour on les remplace (même si cela arrive), parce qu’ils ont conscience que leur savoir-faire de chef d’orchestre est en lui-même unique.

  Dans les temps difficiles que nous traversons, ces dirigeants inconnus, trop peu nombreux hélas, sont des porteurs d’espoir. Leur nombre, leur santé, leur moral, devraient être les indicateurs avancés que scrutent nos autorités et, peut-être, des modèles pour nos gouvernants.

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